Base de connaissances Pôle Santé

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Intervention de Madame Marie-Anne Montchamp
Secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées

3 février 2005
Assemblée nationale

 

Projet de loi pour l'égalité des droits et des chances,
la participation et la citoyenneté des personnes handicapées :

Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,

Le vote de cette loi marquera une étape cruciale pour l'avenir de notre société. Par les droits qu'elle crée et les obligations qu'elle pose, cette loi permet aux personnes handicapées de participer pleinement à la vie sociale et citoyenne. J'en attends de chacune de nos administrations, de chacune de nos entreprises, de chacun de nos commerces, de chacun de nos concitoyens une modification de leurs comportements, une révision de leurs attitudes, un changement de leur regard et finalement une acceptation du "Vivre ensemble" qui fait la richesse de toute démocratie. J'ai la conviction que c'est en côtoyant la différence que nous surmonterons l'indifférence et le rejet.

C'est là le sens premier du projet de loi que j'ai l'honneur de porter : faire de nos concitoyens handicapés des acteurs de leur vie, substituer à une passivité trop longtemps subie une dynamique de participation au cour même de la Cité.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,

Chaque lecture du texte a été l'occasion de nouvelles avancées. Permettez-moi de les rappeler brièvement.

  • la création effective du droit à compensation à partir des besoins et du projet de vie de la personne
  • l'amélioration des ressources, désormais clairement distinguées de la compensation, et notamment l'amélioration du cumul de l'AAH avec un revenu d'activité ainsi que la création d'une garantie de ressources pour les personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler
  • l'accès renforcé, affirmé, assumé à l'éducation et en priorité à l'école de la République. Les enfants et adolescents handicapés seront inscrits de droit dans l'école de leur quartier et leurs parents ne pourront plus être tenus à l'écart des décisions qui les concernent. Cette avancée est confortée par l'élaboration d'un véritable projet de parcours scolaire avec, notamment, la mise en place d'auxiliaires de vie scolaire à l'université et par une meilleure articulation avec le secteur médico-social pour répondre aux projets personnalisés des enfants
  • C'est aussi la reconnaissance de la langue des signes comme langue à part entière et du libre choix entre une éducation bilingue et une éducation en langue française uniquement
  • C'est l'affirmation solennelle du principe d'accessibilité généralisée et l'organisation de son application effective, par des procédures adaptées, par des sanctions fortes, par des objectifs très précis : celui qui est porté par le délai de 10 ans; l'accessibilité des transports, dans le même délai ; l'accessibilité des sites Internet d'ici 3 ans ; l'accès aux procédures judiciaires pour les personnes sourdes et malentendantes par un accompagnement adapté ; l'accessibilité de l'audiovisuel aux personnes sourdes et aussi, je le souligne, aux personnes aveugles ou malvoyantes grâce à la garantie inscrite dans la loi que le gouvernement présentera dans un an un plan de mise en oeuvre et de développement de l'audiodescription.
  • le principe de non-discrimination à l'emploi, qui trouve ainsi une base législative et par voie de conséquence le principe d'aménagement approprié des postes de travail. Au-delà du regard encore trop souvent compassionnel, comment convaincre qu'un handicap ne rend pas un individu moins compétent, que l'emploi d'une personne handicapée peut être un facteur d'enrichissement pour la communauté de travail tout autant qu'un puissant levier de reconstruction individuelle, un facteur d'épanouissement, d'autonomie et d'intégration sociale pour la personne elle-même. Le travailleur handicapé ne doit plus être l'oublié de l'entreprise mais doit devenir un élément fort de la performance sociale.
  • l'alignement des obligations de la fonction publique sur celles du secteur privé, avec la création d'un fonds commun aux trois fonctions publiques.
  • une meilleure articulation du milieu ordinaire avec le milieu protégé, l'organisation de systèmes de passerelles qui permettent aux travailleurs handicapés d'évoluer, en sécurité.
  • la création des maisons départementales des personnes handicapées, véritables guichets uniques de proximité, ainsi que des services modernisés et accessibles, mettront fin au parcours du combattant infligé jusqu'ici à nos concitoyens handicapés.
  • la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie, véritable amorce d'une 5ème branche de protection sociale, présentera un mode de gouvernance nouveau qui impliquera pour la première fois le monde associatif et tout particulièrement les associations de personnes handicapées dans la gestion d'un risque de protection sociale, le risque nouveau de la dépendance.

Je voudrais dire aussi que nous avons su avancer y compris par le refus de ce que nous avons ensemble considéré inacceptable.

  • Vous avez su dire non avec le Gouvernement à un certain nombre de points qui troublaient le sens de notre projet de loi.
  • Vous avez dit non à la restriction de l'accès à l'école de la République de l'enfant handicapé.
  • Vous avez dit non au principe de stricte parité entre associations d'usagers ou gestionnaire.
  • Vous avez dit non à des mesures qui minoraient l'effort d'accessibilité ou qui, parce qu'irréalistes, faisaient écran à l'esprit de la loi.
  • Vous avez dit non enfin à une AAH alignée sur le SMIC pour construire une compensation dans l'ordre des ressources et refuser ainsi d'articuler handicap et exclusion.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,

Vous avez débattu de cette loi, vous aller la voter. Nous voici au terme de notre cheminement législatif. Je veux, à ce stade, remercier les rapporteurs, M. Jean-François CHOSSY, ici à l'assemblée nationale, M. Paul BLANC, au Sénat. Grâce à leur travail approfondi, à leur engagement personnel et à leurs fortes convictions, ils ont permis, avec le Président Dubernard, le Président About, les membres des deux commissions des affaires sociales, qu'un vrai débat de société s'engage sur une question qu'il nous fallait aborder sous un angle radicalement différent.

Mais nous ne sommes pas au terme de notre travail commun au service des personnes handicapées. Je veux vous dire aujourd'hui mon intention d'associer la représentation nationale à l'élaboration des textes d'application de la loi. Vous en avez exprimé le souhait, Monsieur le Rapporteur. Je vous ai entendu. Ensemble, avec nos partenaires associatifs, nous poursuivrons la concertation .

J'ajoute que la loi et ses textes d'application ne sont qu'une étape dans la construction du grand chantier voulu par le Président de la République.

Dès maintenant, j'ai présenté avec M. Philippe DOUSTE-BLAZY, ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille, trois plans très attendus. Les plans "autisme", "périnatalité" et "maladies rares" . Je présenterai demain après midi un plan handicap psychique.

  • J'ai aussi engagé les pactes territoriaux qui devront mobiliser dans les bassins d'emplois les employeurs publics
  • Le "plan métiers". qui favorisera la complémentarité des interventions médicales, sociales, scolaires au bénéfice de l'enfant de l'adolescent et de l'adulte présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant. Ce plan s'inscrit dans un secteur en pleine expansion puisque les besoins de recrutement sont de l'ordre de 55 000 emplois. Le "plan métiers" participe donc pleinement à la mise en ouvre de la loi tout en renforçant la politique du Gouvernement en faveur de l'emploi.
  • Et enfin pour répondre à votre question, M. le Rapporteur, le plan d'accès aux pratiques culturelles préparé par la Commission Culture-Handicap en concertation avec mon collègue M. Renaud DONNEDIEU DE VABRES, ministre de la Culture et de la Communication, et moi-même. Permettez-moi de rappeler que la commission Culture-Handicap constitue le cadre d'engagements qui ont pu d'ores et déjà être pris, qu'il s'agisse de la question du sous-titrage à la télévision ou du travail conduit par les Monuments historiques en faveur de la mise en ouvre de l'accessibilité.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,

La loi que vous allez voter marque un changement de paradigme dans la politique du handicap en France. Celle-ci ne sera plus une politique pour les personnes handicapées mais une politique de partenariat avec les personnes handicapées. Le but est de rendre effective la pleine participation des personnes handicapées à la vie en société. Par le droit à compensation, elle donne aux personnes handicapées les moyens de former elles-mêmes et en toute responsabilité leur projet vie. Par l'élimination des obstacles de tout ordre à la vie en société, elle favorise la participation. La restriction de participation à la vie en société devient l'élément constitutif du handicap. Le handicap n'est plus défini par les déficiences de la personne mais par les restrictions de participation à la vie en société liées à des altérations de l'état de santé. Le handicap résulte ainsi des interactions entre les déficiences de la personne et l'environnement au sens large comme le dit la Classification internationale du fonctionnement et du handicap (CIF)

La loi le reconnaît en donnant (pour la première fois) une définition du handicap, qui évoque d'emblée la citoyenneté de la personne : "Constitue un handicap toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société.. "

C'est grâce au courage des parlementaires et à la volonté du Gouvernement, qui a fait le choix d'une définition offensive du handicap, loin du politiquement correct, que ce changement de paradigme a été possible.

Ainsi, ce projet de loi s'adresse à l'ensemble de nos concitoyens. Il participe d'un authentique projet de société. La question du handicap aujourd'hui rejoint la question plus générale de la capacité de notre société à reconnaître sans discrimination l'ensemble de ses membres, à fixer des règles communes dans le respect des différences, à fonder la cohésion sociale sur la diversité. A chacun d'entre nous de manifester maintenant que la dignité d'un individu ne se mesure pas à l'aune de sa capacité physique ou intellectuelle.